Nous voudrions ici jeter un peu de clarté et de lumière sur ce que l'on appelle le perfectionnisme, afin d'en étudier les contours, en comprendre les mécanismes, les raisons d'être. Beaucoup de gens souffrent de perfectionnisme, ce défaut, si vous voulez de la personnalité, lorsqu'il est poussé à outrance, c'est-à-dire lorsqu'il prend possession de l’être, lui enlève la fluidité, la plasticité nécessaire pour vivre en fonction du mouvement naturel de son énergie.
Le perfectionnisme c'est une forme d’arthrite psychologique, ou ça mène à l’arthrite psychologique, dans ce sens que la personne qui est perfectionniste perd, graduellement au cours des années, la capacité de vivre en fonction d’un rythme de vie qui lui est naturel, qui fait partie de la synchronicité de son énergie.
Le perfectionniste est un être qui fonde son action sur un besoin interne, subconscient, de valoriser son action par rapport à une insécurité intérieure. Les perfectionnistes sont des gens insécure. Il y a en eux de l’insécurité, ils sont insécure à laisser passer l'énergie créative de leur conscience comme elle se doit. L’ego ainsi interfère, pour toutes sortes de bonnes raisons, au mouvement naturel de son énergie, et c'est ce qui crée chez ces êtres une sorte de rigidité.
Un être qui est très perfectionniste devient un être rigide, et cette rigidité contribue, avec les années, à ralentir le rythme de sa vie, à créer des obstacles dans sa vie, bien que ces obstacles ne soient pas réalisés ou perçus par lui.
Le perfectionniste couvre à travers sa perfection ou son perfectionnisme, si vous voulez, il couvre une insécurité et cette insécurité sert à le pousser de plus en plus dans cette façon d'agir, de sorte que, avec le temps, cette insécurité devient un cercle vicieux, et le perfectionnisme devient de plus en plus permanent, il devient une habitude profonde qui, éventuellement, va toucher à tous les aspects de l'expérience.
Le perfectionniste est une personne qui se rendra la vie difficile pour rien. C'est un être qui se formera une attitude tellement rigide de la vie qu'il ne pourra pas, à long terme, vivre une vie plaisante, libre, libre non pas simplement sur le plan psychologique, mais aussi sur le plan matériel, sur le plan du mouvement, parce que son perfectionnisme aura créé en lui un mécanisme de réaction qui est la crainte.
Il y a une relation étroite entre le perfectionnisme et la crainte, parce que plus l'on devient perfectionniste, plus on a peur de faire des erreurs, et plus on a peur de faire des erreurs, plus on devient englobé par cette crainte, de sorte qu’éventuellement, elle peut nous habiter de façon permanente, et le fait qu'il y ait création ou développement de la crainte chez le perfectionniste démontre, qu'avec le temps, une telle personne ne peut pas développer, dans la vie, une liberté foncière, ne peut pas développer une certaine dynamique créative, elle ne peut pas réellement respirer librement de l'oxygène de l'expérience, parce que son perfectionnisme aura tendance graduellement à lui enlever la certitude qui est nécessaire pour bien vivre l’absence de crainte, qui est naturelle ou qui devrait l'être, chez l'être humain, s’il veut faire l'expérience de la vie à différents niveaux, à différents degrés.
Souvent le perfectionniste va considérer son défaut comme une qualité. Il ne verra pas le défaut dans la qualité, il ne verra que la qualité, et cette qualité sera suffisamment grande pour lui donner l'impression que sa façon d'agir convient parfaitement à sa nature alors que, dans le fond, cette façon d'agir le dénature ou le dénaturalise constamment. Et plus l’homme est dénaturé, plus il perd conscience, plus il s'éloigne de la source même de sa créativité, plus il devient mécanique. Et lorsqu'il est devenu suffisamment mécanique, il est très difficile pour lui de revenir en arrière sur les sentiers plus libres de l'expérience.
L’être qui connaît le perfectionnisme, ne peut pas s'empêcher de vivre sa vie en fonction de cette habitude. Il est totalement coincé, il n'est pas capable de se sortir du giron de cette mécanicité, et pour cette raison, il lui devient de plus en plus difficile de pouvoir donner à sa vie l’élasticité dont elle a besoin pour être bien vécue. Lorsque l’homme évoluera, lorsqu’il prendra conscience, lorsqu'il prendra sur lui de vivre son énergie de façon créative, il verra que le mouvement créatif de l'énergie n'a absolument rien du perfectionnisme, l'énergie créative, lorsqu’elle fait vibrer l’homme, le fait vibrer selon un rythme qui convient parfaitement aux lois de la vie, mais non un rythme qui convient aux attitudes égoïques de l'individu basées sur l’insécurité foncière.
Donc pour passer de l'inconscience à la conscience, de l'intelligence morte à l'intelligence vivante, l’homme devra rompre avec ses habitudes pour en arriver éventuellement à sentir en lui la pulsation vibratoire de son énergie qui le pousse et qui lui donne la direction et le rythme vital associés avec cette énergie. Et l’homme ou l'être qui est perfectionniste trouvera difficile cette transposition de la façon d'agir involutive à la façon d'agir évolutive, parce que sa mémoire, ses habitudes, la nature de son moi voudra toujours invoquer une certaine certitude dans l'action, un certain contrôle dans l'action que l'énergie créative fera sauter afin que l’homme et l'énergie se fondent en une unité évolutive, en une unité créative.
Le perfectionniste veut toujours contrôler son environnement, il veut avoir une mainmise sur sa vie. Et aussitôt qu'il fait ceci, il s'empêche de sentir, et de percevoir, et de vivre en harmonie vibratoire avec son énergie. Et naturellement, il se crée des obstacles, des interférences, ces interférences devenant au cours de la vie des sources de souffrance, des pertes d'énergie qui peuvent être très grandes, jusqu'à amener l’être à une incapacité totale de créativité réelle.
Souvent les êtres perfectionnistes sont des êtres très intelligents, sont des êtres très talentueux, ce sont des êtres que l'on admire. Mais ces êtres intelligents, talentueux que l'on admire ne sont pas nécessairement des êtres capables de vivre la vie à la mesure ou à la hauteur qu'ils voudraient la vivre. Nous voyons en eux des qualités, ou ils se proposent eux-mêmes de posséder certaines qualités, mais dans le fond, ce sont des êtres qui manquent énormément de stabilité psychique, bien qu'ils puissent avoir une grande stabilité psychologique. Il suffit que la vie crée ou leur amène des chocs pour que la fabrique délicate de leur être se rompe, parce qu’être perfectionniste veut dire ne pas être capable de vivre au rythme de l'énergie créative.
C'est une façon de vivre qui convient à l’insécurité de l’ego, c'est une façon de vivre qui vient des profondeurs de l’homme, mais profondeurs qui sont extrêmement astralisable, profondeurs qui sont extrêmement influençables, alors que l’homme ne doit pas être astralisable, ne doit pas être influençable, alors que l’homme doit être capable de vivre et de supporter son énergie, d’être en parfaite harmonie avec elle et d’aller un peu comme le bateau sur la rivière, bien qu'il ait un gouvernail pour l'amener à bon port, le gouvernail étant son intelligence.
Souvent le perfectionniste a peur de faire des erreurs, il peut même en arriver à craindre l’erreur, parce que l’erreur crée en lui l'impression de ne pas être à la hauteur de la situation, l’erreur lui donne l’impression de ne pas être suffisamment compétent. Or cette compétence ne relève pas de la conscience créative, elle relève des mécanismes habituels de l’ego utilisés dans l'expérience pour la conversion d'une énergie inférieure en un état de mouvement qu'on appelle le perfectionnisme, mais ceci est une qualité inférieure de l'homme, ce n'est pas une qualité créative.
Ceci ne veut pas dire que l’être qui est créatif n'est pas capable d'agir avec un certain niveau de perfectionnement, au contraire. Mais il sera capable, dans une situation où la vie demande l'exact opposé, de se mouler avec la vie et de pulser à un rythme vibratoire qui conviendra parfaitement dans cette situation. Donc cet être est capable d’aller d’un côté ou de l'autre, il a de la flexibilité, alors que le perfectionniste, lui, n'a pas de flexibilité, il est totalement piégé dans le routinier.
Et un être qui est perfectionniste est un être qui vivra une vie routinière, et de cette vie routinière, il ne pourra pas découvrir des aspects intéressants, plaisants, dynamiques, mobiles. Il éliminera de sa vie la mobilité, et une fois que la mobilité, la dynamique, est éliminée de la vie, la vie devient plate, elle devient simplement un cercle vicieux, elle devient une expérience qui ne va nulle part.
Si un être travaille bien, s’il est rigoureux dans sa façon de travailler, ceci est une chose, mais si un être est perfectionniste, autrement dit s'il manque d'élasticité, s'il manque de plasticité, à ce moment-là il sera rigoureux mais sa rigoureusité ne le servira pas bien, parce qu’elle l’empêchera de percevoir les aspects plus subtils de sa conscience et elle créera obstacle à une dynamique créative dont il a besoin pour être à la fois rigoureux et aussi, à la fois, libre.
Si l’homme est rigoureux et libre, à ce moment-là il vit bien sa vie parce qu’il met de l'ordre dans sa vie. Mais si l’homme est perfectionniste et piégé dans la rigidité de son action, à ce moment-là il ne met pas de l'ordre dans sa vie, il s’emprisonne dans un ordre psychologique qui devient éventuellement une sorte de tombe.
De l’ordre ou l’ordre créatif n'est pas nécessairement du perfectionnisme, c'est une actualisation créative en fonction des événements, demandant la plus grande intelligence possible et la plus grande volonté aussi ; alors que l'ordre du perfectionniste est un ordre qu’il s'impose à cause de son anxiété, à cause de son insécurité, donc cet ordre en apparence, dans le fond, représente du désordre intérieur.
Donc chez le perfectionniste, il y a du désordre intérieur, un désordre intérieur qu’il ne veut pas avouer, qu’il n'avouera pas ou qu'il peut avouer, mais il y aura du désordre intérieur. Et ce désordre sera responsable, pour le besoin psychologique de l’ego, de mettre du grand ordre psychologique, égoïque, à la surface. C'est dans ce sens que le perfectionniste cache quelque chose, c'est dans ce sens qu'il voile quelque chose, c'est dans ce sens qu'il vit à l'extérieur ce qu'il n'est pas à l'intérieur.
Donc il y a là une polarité, et cette polarité tire et elle tirera toujours, car l’ordre extérieur qui vient du perfectionniste, ordre qui ne coïncide pas avec l'ordre intérieur, va nécessairement créer chez lui une ambiguïté de vie, et cette ambiguïté sera réfléchie dans son incapacité intégrale de vivre son énergie créativement, cette ambiguïté le forcera effectivement à vivre deux vies, une en surface et une intérieure. Et souvent la vie de surface sera extrêmement ordonnée, alors que celle de l'intérieur représentera, sous de multiples facettes, une sorte ou autre de monstruosité.
Donc il est très important pour l’homme de comprendre l'aspect psychologique et psychique du perfectionnisme. Que l’être soit psychologiquement perfectionniste, c'est une chose. Mais qu'il soit créativement ordonné en est une autre.
Autrement dit, qu'il puisse vivre intérieurement un autre ordre qui sous-tend son ordre extérieur, ceci est bien, mais si l’être vit un ordre extérieur et qu’à l’intérieur il est totalement bouleversé ou bouleversable, à ce moment-là il se crée en lui de l'instabilité, et ce déséquilibre fera de lui un être malheureux, fera de lui un être qui ne sera pas satisfait de lui-même. Et nous découvrons que, effectivement, le perfectionniste est une personne qui n'est pas satisfaite d'elle-même.
C'est absolument impossible à un perfectionniste d’être satisfait de lui-même, et c'est justement pourquoi il est perfectionniste parce qu’il veut devenir satisfait de lui-même. Mais ce n'est pas de l'extérieur ou en manipulant extérieurement la forme de l'énergie qu'il deviendra satisfait de lui-même, pour la simple raison que l'expérience extérieure de l’homme ne peut jamais correspondre parfaitement aux besoins internes de l’homme, il y aura toujours une division, une séparation, un masque, il y aura toujours à l'intérieur une sorte de défaite.
Donc l’être perfectionniste est un être qui vit intérieurement une certaine défaite, et tant qu'il n'aura pas composé avec cette défaite, qu’il ne l’aura pas comprise, qu'il n'aura pas dépassé les aspects psychiques de son être pour en arriver finalement à composer intégralement avec lui-même, il demeurera perfectionniste, il fera comme si à l'extérieur, il vit une vie qui correspond intérieurement, mais dans son fond il saura très bien que tout n'est pas bien intérieurement et c’est pourquoi on peut dire avec grande liberté que les êtres qui sont perfectionnistes ne sont pas des êtres heureux.
On peut dire d'une façon intéressante que l'être qui est perfectionniste n’est pas heureux, ne peut pas être heureux, mais il peut être content avec lui-même, donc on peut ajouter que pour l’être perfectionniste, être heureux, c’est être content avec soi-même. Et nous avons vu qu’être content avec soi-même n'est pas une réponse à la vie pour l’homme. Être content avec soi-même, ce n'est pas être bien dans sa peau.
Le perfectionniste veut faire de sa vie ou arranger sa vie selon ses mécanismes d'habitudes, selon la technologie psychique de son ego insécure, mais ceci ce n'est pas la réponse. La vie coule dans l’homme comme elle se doit, elle veut se manifester chez l’homme comme elle se doit.
Et l’homme, lui, à travers son perfectionnisme, essaie de placer les événements de la vie comme il le veut afin d'être content de lui-même, donc il prend une partie de la vie, l’étouffe, l’étudie, la rend prisonnière, la place, la replace, la déplace et quand elle est bien placée à l'intérieur de la limitation qu’il s'est imposée, il dit, “je suis content avec moi-même”, mais il s'aperçoit que ce château de cartes est extrêmement temporaire.
Et c’est pourquoi les gens qui sont perfectionnistes sont des gens qui vivent des hauts et des bas, des hauts et des bas constamment, parce qu’ils ont pris une partie de la vie, ils l'ont encerclée, ils l'ont manipulée, ils ont mis un ordre psycho-égoïque dedans, et ensuite ils ont cru que cet ordre représentait une façon normale, naturelle, bien éduquée de vivre la vie. Et ceci ne fonctionne pas parce que la vie est un mouvement d'énergie créative, la vie n'appartient pas à l’ego, elle fait partie de la conscience cosmique de l’homme et elle doit passer dans l’homme d'une façon qui convienne parfaitement à sa nature et non pas à la qualité dénaturée de l’ego perfectionniste.
On peut facilement dire qu’un ego perfectionniste est un ego dénaturé. Il y a effectivement un très haut niveau de dénaturation ou de dénaturalisation chez ces êtres.
Pourquoi ?
Parce que l’ego a pris tellement de place dans la vie qu'il ne reste plus de place pour la vie. Vous avez certainement vu des films ou lu des histoires de ces être perfectionnistes qui travaillent souvent dans des agences gouvernementales à couverture d'intelligence, des êtres qui, par exemple, construisent des mécanismes absolument merveilleux, des outils pour l'industrie, des outils absolument complexes, qui demandent une grande affinité avec la matière, une grande précision.
Si vous regardez ces êtres dans leur vie personnelle, vous voyez que le perfectionnisme qui fait partie de leur travail, fait aussi partie de leur nature, et souvent ces êtres ont des vies très sombres, très solitaires, des vies extrêmement limitées, et ces êtres trouvent leur liberté dans leur perfectionnisme, ils vivent de leurs serrures, ils vivent de leur travail, subtil, bien fait, dans la matière.
C’est leur monde, ils ne peuvent pas en sortir, ils en sont prisonniers, il n'y a plus en eux de vie créative, ce n'est que de la vie très bien appliquée. Et c'est ça le problème du perfectionniste : il n'a pas de vie créative, il n'a qu'une vie bien appliquée, et elle devient tellement bien appliquée, cette vie, que ces êtres deviennent effectivement des héros de la culture humaine.
Mais si vous vous assoyez avec eux et que vous parlez de la vie, vous voyez très rapidement que ce sont des êtres arrêtés, ce sont des êtres qui ne vivent que dans leur domaine, ils ne sont pas capables de s'exposer au rythme universel, créatif de la vie, parce qu’ils ont peur. Là où ils découvrent leur sécurité, c'est dans leur perfectionnisme.
Certains de ces êtres n'ont aucune compétition dans le monde, ils sont absolument au-dessus de la classe des hommes, il font partie d’une classe à part, ils vivent dans une tour d'ivoire, on les approche pour leur faire faire des choses que seuls eux sont capables de faire, et pourtant, bien que ces êtres soient extrêmement capables, bourrés de talent, leur vie s'arrête à cette circularité.
Et s’ils sortent de cette circularité, ils sont perdus, ils ne fonctionnent plus, les jambes leur crochissent parce qu’ils ne sont pas habitués à vivre selon les lois de l'énergie créative de la vie, ils sont habitués à vivre selon les principes catégoriques de l’ego, principes qui font de ces êtres des machines, des machines qui perdent de plus en plus de lumière, des machines qui sont incapables à relever le défi de la vie, bien qu'ils puissent être très, très capables de relever les défis de la matière.
Être perfectionniste c'est engendrer constamment en soi-même une sorte d'ennui, une sorte d'ennui qui fait de l’être un diminutif de lui-même, qui fait de l'être une image qui n'est pas réelle de lui-même. Et lorsque l'être devient plus petit que lui-même, il développe une sorte de conscience qui très, très facilement peut manifester des complexes d’infériorité ou manifester des complexes de supériorité extravagante. Un homme qui est perfectionniste ne peut pas comprendre sa propre nature, parce que son perfectionnisme lui sert à corriger les impressions qu'il a de lui-même en constamment faisant valoir, devant la présence de sa propre conscience subjective, une valeur talentueuse qui miroite dans ses yeux, et qui lui donne l'impression d'avoir une valeur solide, alors que ce miroitement ne représente qu'un talent, qu’il ne représente qu’une faculté, qu’il ne représente qu’un aspect de lui-même, alors que l’homme doit connaître, goûter, vivre de tous les aspects de sa conscience.
Les êtres qui sont perfectionnistes sont des êtres qui se refusent subconsciemment de vivre parce qu'ils ont peur de vivre, bien qu'ils veuillent vivre. Mais ils ont plus peur de vivre qu'ils en ont le vouloir, et c’est pourquoi ils demeurent piégés dans cette attitude. Et si vous les regardez, vous voyez très bien que, ce sont des êtres qui non seulement sont seuls intérieurement, non seulement ce sont des êtres souffrants intérieurement, mais aussi que ce sont des êtres qui ont énormément besoin de soleil, de lumière.
Mais le soleil et la lumière les aveuglent, ils craignent ces sources d'énergie parce que le perfectionnisme en eux leur a enlevé la capacité de respirer librement ou de vivre librement les forces psychiques de leur conscience. Et ceci les a amené, avec le temps, à se créer un territoire, à se terrer dans une façon de vivre ou d'agir qui convient à leur insécurité et qui leur permet, à l'intérieur de cette insécurité, de se bâtir un faux mur qui leur semble sécure, mais qui à la fois les bloque de leur propre puissance créative, les bloque de la vie qui pulse à l'extérieur et qui pourrait ou qui risquerait de transformer leur insécurité ou leur perfectionnisme en une sorte de mouvement créatif, dynamique, fluide, dont ils ne sont pas habitués, mais auquel ils auront à s'habituer s'ils veulent en arriver un jour à se libérer du pouvoir astral de l’âme sur leur conscience égoïque.
Sans reprocher au perfectionniste une part de sa sensibilité qui lui fait bien faire les choses, il faut lui faire voir l’abus qu'il fait de sa sensibilité. Et c’est l’abus de sa sensibilité qui lui cause les souffrances en potentiel qui le déséquilibrent psychiquement, qui font de sa vie un vaste désert intérieur, qui font des apparences de vie, de sa vie en surface, souvent une oasis.
Le perfectionniste est prisonnier de deux mondes : le monde extérieur qu'il projette et le monde intérieur qu'il vit. Et plus il enlève à la terre intérieure de sa vie, plus il donne à la terre extérieure de sa vie. Donc c'est un peu comme s'il enlève la vitamine de la vie de son intérieur pour la projeter dans le monde extérieur, et éventuellement sa vie interne devient totalement fade, elle devient totalement vide, il n'y a plus de possibilité de faire pousser quoi que ce soit de vital, il a enlevé d'une part pour donner à l'autre part.
Et ce n'est pas ainsi que l’homme doit vivre sa vie, il doit partager l’intérieur et l’extérieur de façon équitable, il doit bénéficier de la vie intérieure afin de bien vivre la vie extérieure, il doit bénéficier de la vie extérieure afin de pouvoir intérieurement continuer à vibrer à un rythme créatif. Donc si l’être perfectionniste n’en n'arrive pas à balancer l'intérieur avec l'extérieur, le vital avec le bien fait, il deviendra prisonnier des choses bien faites et il perdra sa vitalité, il perdra sa capacité de constamment engendrer de l'intérieur, pour constamment raffiner l'extérieur de façon créative.
Mais s’il se tue intérieurement pour vivre à l’extérieur, il fait un faux pas, il verra, avec les années, qu’il se crée en lui une sorte de vieillissement, une sorte d'incapacité éventuellement de répondre à la pulsation cosmique de son existence, donc sa vie deviendra terne, plate, et le seul endroit où il aura l’impression de vivre, ce sera à l'intérieur de son perfectionnisme.
Donc il deviendra un peu comme un enfant qui joue au mécano, il connaîtra très bien le mécano, il pourra lui donner différentes formes, mais il ne pourra jamais passer du mécano à l'architecture réelle et véritable où seul l’esprit générateur peut enflammer l’ego et lui donner une vision créative de ses possibilités.
Le perfectionnisme est un défaut sournois qui alimente dans l’homme la crainte, l'insécurité, qui alimente dans l'être la peur de ne pas bien faire les choses, et cette sournoiserie fait partie des mouvements subtils de l’âme qui utilise toujours l’ego contre lui-même, qui empêche l’homme de devenir réel, qui empêche l’homme de vivre, qui empêche l’homme d'exploiter la vie selon ses besoins, et qui force constamment l’être à revenir à son petit mécano, aux petites impressions qu'il a de bien faire les choses, aux petites impressions qu’il a de vivre une vie exactement à la mesure de son ego pétrifié.
Le perfectionnisme c'est une sorte de douce maladie de l'esprit, c'est une sorte d’infatuation avec une portion de nous-mêmes qui fait bien les choses ; et cette infatuation peut même mener à une forme d'orgueil, et cette forme d’orgueil peut même mener l’homme à une résistance intérieure à devenir libre, parce que l'orgueil du perfectionniste sera suffisamment grand ou puissant pour le garder dans l’impression que ce qu'il fait, c'est ainsi que ça doit être fait, et que la façon dont il vit, c'est ainsi qu'il devrait vivre.
Donc il devient totalement aveuglé par son perfectionnisme, et vient le jour où il est suffisamment asphyxié à partir de l'intérieur que le moindre mouvement vital, que la moindre expression de la vie, que la moindre explosion de son intérieur dans le monde de la forme créera en lui une inquiétude profonde, une anxiété profonde, et un besoin de se sécuriser dans la fausse perception qu'il a de la vie.
Dans le fond, le perfectionniste est un petit malade ou un grand malade selon le cas, mais il est malade. Il y a de la maladie dans le perfectionnisme, c'est une maladie de l’âme. Et pourtant, nous, les hommes, nous passons notre temps à glorifier ces êtres, à leur dire combien ils sont compétents, combien bons ils sont.
Ce n'est pas mal de dire à ces êtres qu’ils sont compétents, mais ce n'est pas suffisant : nous devons aussi leur dire qu'ils sont constipés. Donc si nous disons à un être qu'il est extrêmement compétent et à la fois constipé, il prendra avantage de la flatterie et dans un même temps, il regardera derrière la flatterie pour peut-être en arriver un jour à prendre aussi avantage de la vie.
Mais si nous passons notre temps à dire aux gens qui sont perfectionnistes qu'ils font bien les choses, qu'ils sont superbes, qu’ils sont extraordinaires, qu'ils font des choses que nous, nous ne pouvons pas faire, à ce moment-là nous n’aidons pas ces gens, nous ne faisons que les aider à construire leur propre tombe.
Nous devons être non seulement appréciables de leurs qualités, de leur performance, mais nous devons être aussi capables de négocier un rapport entre cette performance et le fait que peut-être ils ne vivent pas à la mesure de leur vie, que peut-être ils souffrent de constipation, et c'est là que nous pourrons aider ces perfectionnistes à reprendre du souffle, à remesurer leur rythme, à revoir leur vie, pour garder les aspects de leur vie qui sont bien développés, celui de bien faire les choses, mais aussi pour les amener à se donner un peu d'élasticité afin de pouvoir se brancher sur eux-mêmes au lieu de ne se brancher que sur la forme bien faite des choses qui créent en eux le désert de leur propre esprit.
Donc si vous avez des enfants qui sont perfectionnistes, qui font très bien les choses, c'est bien, vous leur laissez savoir qu'ils font bien les choses. Mais si vous voyez que ces enfants deviennent prisonniers de ce bien faire, qu’ils deviennent un peu névrosés autour des oreilles, à ce moment-là, c'est à vous et c’est le temps de leur faire savoir de prendre un peu de lousse (de l’espace), de se relaxer, de ne pas se terroriser intérieurement, pour que ces enfants deviennent demain des adultes capables de bien faire les choses et aussi capables de vivre en même temps.
Sinon ils seront des enfants malheureux, ils seront malheureux du perfectionnisme qui fait partie de leur caractère, de leur nature, et ils ne pourront jamais apprécier la vie à la mesure où elle doit être appréciée afin que nous réalisions éventuellement qu’il existe dans la vie créative, un autre niveau de perfectionnement qui n'est pas perfectionniste, qui ne finit pas en “isme” mais qui représente l'harmonie parfaite entre la conscience créative et l’ego, harmonie qui permet finalement à l'ego de bien faire les choses, mais non pas d’une façon maladive mais toujours d'une façon créative.
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